Féminisme et écologie , un lien « naturel »?
Un article dans le Monde Diplomatique de mai 2011 , de Janet Biehl, titre ainsi la réflexion: « les femmes sont -elles plus « vertes » que les hommes? » Ont-elles un rapport particulier à la nature, ou un point de vue privilégié sur les problèmes de l’écologie? Ces dernières décennies des femmes qui se disent féministes ont répondu à cette question par l’affirmative.
En fait cette position date pratiquement de l’apparition du mouvement écologiste moderne. En 1969 dans son livre la bombe p (1), Paul Erhlich estimait que la surpopulation menait la planète à sa perte. La meilleure chose que l’on pouvait faire pour la terre , affirmait-il, était de refuser de se reproduire. Quelques années plus tard une féministe radicale française, Françoise d’Eaubonne, constatait que la moitié de la population n’avait pas le pouvoir de faire ce choix: les femmes ne contrôlait pas leur fertilité. Le « système du mâle », comme elle l’appelait, les voulait pieds nus, enceintes et prolifèrantes.
Mais disait d’Eaubonne, les femmes pouvaient et devaient riposter en exigeant la liberté de reproduction: l’accès facile à l’avortement et à la contraception. Voilà qui allait les émanciper tout en sauvant la planète de la surpopulation. « le premier rapport de l’écologie avec la libération des femmes, écrit-elle, est la reprise en main de la démographie par celles -ci, ce qui définit la réappropriation du corps » (2). Dans son livre paru en 1974 le féminisme ou la mort, elle donnait à cette idée le nom « écoféminisme »
…puis vinrent les grandes défenseuses de l’environnement, ces femmes qui prennent désormais la tête de manifestations contre les centrales nucléaires ou contre les déchets toxiques: Mme Lois Gibbs à Love Canal, dans l’Etat de New York; Daniella Meadows, parmi les auteurs de l’influent rapport halte à la croissances paru en 1972 (4);
Petra Kelly la figure de proue des Verts allemands; le groupe dénommé « Women for life on earth » au Royaume Uni (les femmes pour la vie sur terre) organisèrent un camp de la paix sur une base pour protester contre le déploiement de missile de l’OTAN.
De nombreuses participantes se proclament écoféministes bien que cela ne s’inscrivait pas dans une lutte pour la liberté de reproduction.
Le rapport est fait avec la terre mot féminin impliquant la nature est notre mère, qui est « plus sage », les femmes peuvent être « enchanteresse sauvage ».
Par contraste les forces qui tentaient de « dompter la nature », et de « violer la terre » étaient celles de la science, de la technologie et de la raison: autant de projets masculins. C’est Aristote , qui définissait la rationalité comme masculine, et du coup les femmes moins apte à raisonner…au cours des deux millénaires qui suivent, la culture européenne qui considère les femmes comme déficiente intellectuellement et suivant en cela les préceptes de la Genèse en cherchant à dominer la terre. Puis les Lumières qui trouve de nouvelles manières de ravager la nature au moyen de la science, de la technologie et des usines. Les hommes destructeurs de l’environnement en réduisant la nature à un ensemble de ressources à exploiter et transformer en marchandises. Le projet des Lumières cherchant à soumettre la nature tout en glorifiant la raison, détruisait la planète selon la philosophie du New age et de l’écoféminisme. Telle était la thèse d’auteurs comme Frijtof Capra ou Carlène Spretnak (5)
D’autres féministes des années 70 , qui se sont battues pour faire progresser leurs droits, trouveront que « l’éco féminisme » trafique des stéréotypes patriarcaux en se servant de cette idéologie « des sphères séparées » qui avait borné au 19ème siècle la femme à l’univers domestique et astiquant les barreaux dorée d’hommages à leur « supériorité « morale…
Dans les années 70 nombres de défenseurs de l’environnement sont des hommes (Denis Hayes, david Suzuki, Paul Watson.…) , et les éco-féministes occidentales s’intéresseront au tiers monde,, les projets de développements financés par la banque mondiale, micro-crédits, expériences de développement local écologiquement durables contre le « mal développement », abattage de fôrets , monocultures, destructions des fleuves etc..
Le mouvement Chipko gagne l’imagination des éco féministes, ces femmes des zones rurales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, jardinières et horticultrices qui savent préserver leur terre et ses ressources. Fascination de l’éco féminisme pour le mouvement Chipko confinait à une idéalisation de l’agriculture vivrière. Que des femmes qui aspiraient à l’éducation, à une vie professionnelle et une pleine citoyenneté? les éco féministes semblaient préférer qu’elles restent dans leurs anciens rôles pieds nus et jardinant. Et elles négligeait le fait que des hommes étaient également impliqués dans le mouvement Chipko… »
Les questions soulevées par cet article et l’historique de ces luttes de femmes me permettent de m’interroger sur le monde actuel et ma propre manière d’être femme et écologiste, aujourd’hui en 2011:
liberté de contraception oui, mais à quel prix ?
Lorsque l’on se met sous pilule depuis la puberté et de contre carrer le processus hormonal toute sa vie.. être dépendante de l’industrie pharmaceutique pour vivre sa sexualité?
La sexualité féminine est encore à découvrir: par delà l’acte de procréer , la masturbation est tabou. Le plaisir féminin est caricaturé par peur de ne pas le saisir..Nous mêmes femmes, nous ne nous donnons pas la liberté de prendre le temps, nous nous savons imprévisibles, et inconstantes et nous préférons trop souvent adopter les recettes toutes préparées que de chercher notre propre cuisine….
Les plats tout faits… surgelés, et sous cellophane pour l’amour aussi, c’est le monde moderne du produit finit!
Si je voulait parler d’éco féminisme en 2011, pour moi, je dirais que nous avons tout à inventer. Nous devons prendre conscience de la culture judéo chrétienne qui nous berce dans les plus matérialistes recoins de notre société de consommation.
« croissez et multipliez », voici l’adage dont nous n’arrivons pas à nous arracher en continuant à fustiger la décroissance et à maintenir qu’il n’y a pas de société possible autre que la société capitaliste.
Le retour à la terre n’a de sens que si l’on se respecte en tant qu’hommes et femmes. Non plus sur des rapports d’égalité homogène, mais dans la richesse d’une biodiversité heureuse.
Et admirons notre capacité à « devenir » à tout âge plutôt que de tenter sans cesse de rentrer dans des cases…
Comment la sécurité a t-elle pu devenir pour nous, plus séductrice et attirante que notre potentiel créatif ?
(1) Paul Ehrlich, la bombe P. Sept milliards d’hommes en l’an 2000, Fayard, Paris, 1972.
(2) Françoise d’Eaubonne, « que pourrait-être une société écoféministe?« , dans Liberté, égalité…et les femmes? (collectif), L’Harmattan, Paris,1990.
(3)Rachel Carson, silent spring, Houghton Mifflin. Boston, 1962.
(4) Donella H.Meadows, Jorgen Randers…, the limit to growth, Universe Books , New York, 1972.
(5) Fritjof Capra, the turning point, Simon & Schuster,New York, 1982; green politics, : global promise, Dutton, New York, 1984.